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Au revoir...

Au revoir, Roger

Devenu tailleur pour faire plaisir à ses parents, Roger se mit à l'architecture car il était doué également pour le dessin. Il a conçu les plans de plusieurs immeubles à Nice à Valberg, où en 1991 Jean-Louis acheta un appartement sur ses conseils. Quarante-cinq ans après leur édification, ses constructions sont encore très belles ; cossues, bien pensées, élégantes… à son image.
Passionné par le saxophone, Roger dessinait et peignait en écoutant du jazz. Jean-Louis l'a connu en 1973. Ils commencèrent à jouer ensemble avec un merveilleux pianiste, Didier Lehembre, inconditionnel de Bill Evans, accompagnés par sa femme Anne à la basse et Jean-Pierre Sismondini à la batterie.
Pendant de nombreuses années, ils partagèrent des soirées de jazz, à La Canna suisse à Cannes avec Jacques Lautier à l'orgue Hammond puis en concert avec Jack Sewing ou Marc Peillon à la contrebasse.
Tout ce que Roger entreprit fut une pleine réussite car il était doué, travailleur et visionnaire. Il fut un modèle pour Jean-Louis, louant sa gentillesse, sa disponibilité et son art… contrebalançant largement une humeur et un caractère pas toujours commodes !
C'est avec peine que quelques jours après la disparition de son chat Mimi, JLB a appris celle de Roger, qu'il salue comme un maître, le 14 mai 2020, au bout d'un parcours riche en expériences et long de 95 ans.

Au revoir, Marc

Très ému mais lucide quant à l'âge et la santé de Roger et Mimi, partis trop tôt pour lui mais dans la logique d'une existence terrestre, Jean-Louis apprend un autre décès inattendu qui le touche de près : celui de Marc Peillon, dans la nuit du 18 au 19 Mai 2020.
Marc, l'ami, le partenaire, le compagnon de tant d'années, de tant de notes, concerts et sessions. Il l'a connu en 1979, a suivi son parcours et l'a fait travailler avec l'orchestre de Jean-Claude Lauran. Marc rejoint Jean-Louis dans le Big band en 1990 et ce pendant 10 ans, puis le Trio Jazz À Cordes avec qu'il enregistre un album en 2011 ainsi qu'un duo en 2013 ! Il est de nouveau aux cotés de Jean-Louis pour la tournée d'adieux ainsi que l'enregistrement de l'album "Just In Time" en en 2017 et 2018 !
Dieu seul sait combien Jean-Louis a établi au cours de sa vie et sa carrière de collaborations fructueuses et complices avec des contrebassistes. Mais Marc était celui, très présent, du moment charnière où Jean-Louis a pris du recul dans sa vie professionnelle et a de plus en plus pensé à la musique. Et voilà que la basse est orpheline de Marc, décédé dans son lit un matin, de ce qu'un langage sans doute abusif et qui se veut rassurant nomme "une belle mort" avec ce qu'on imagine être un minimum de souffrances pour l'intéressé. Mais qui le sait ?
Au moment de tourner la dernière page de son livre, Jean-Louis n'imaginait pas que celui-ci se refermerait sur un dernier adieu. Au-delà des chagrins, il faut désormais jouer. Il faut s'évader en jouant plus que jamais, plus que toujours, en sachant que Marc a rejoint le public d'amis connaisseurs qui continuent à regarder Jean-Louis, derrière les volutes ayant inspiré la légendaire composition d'un guitariste fameux entre tous, Django Reinhardt : nuages.

« Accepte ce qui est, laisse aller ce qui était et aie confiance en ce qui sera. »

Bouddha
Aquarelle sur papier © RipoDesign

Au revoir, André

C’est avec une immense tristesse que je tiens à rendre hommage à mon ami et maître André Duchossoir, disparu le 17 novembre 2020.
Auteur de très nombreux ouvrages sur les guitares Gibson et Fender, cet historien-expert-collectionneur intarissable était la référence pour les passionnés de guitares vintage. Il était reconnu par ses pairs du monde entier comme le "pape" ou le père fondateur de la littérature spécialisée.
J’étais impressionné par cet homme charismatique, que je connaissais depuis 1974 au travers de ses écrits sur les guitares Gibson arch-top mais que je n’avais jamais osé approcher. En 2011, quand je me suis lancé dans mon premier projet d’ouvrage sur les guitares Gibson de ma collection, notre amie commune Rosyne Charle, maître-luthier expert, lui a parlé d’un petit collectionneur de Gibson vintage demeurant sur la Côte d’Azur. Curieux et ignorant mon existence, il a souhaité en savoir plus et a pris contact, à ma grande surprise, avec moi qui étais émerveillé de pouvoir parler à ce grand Monsieur de la profession.
Au fil des mois, nos échanges téléphoniques de passionnés se sont transformés en amitié et affection. André m’a aidé pour identifier et dater plusieurs guitares, a corrigé et amélioré mes textes, et même gratifié d’une préface mon dernier ouvrage, édité en 2016, dans laquelle il écrit : "Les guitares arch-top sont un peu comme les cathédrales gothiques... Leur nombre de pratiquants a diminué mais la ferveur demeure identique devant leur beauté et leur musicalité."
Notre amitié devint de plus en plus forte et importante ; si bien qu’en 2013, il me proposa de me transmettre une des pièces-maîtresses de sa collection personnelle, une Gibson Super 400 arch-top de 1936 ayant appartenu au célèbre Les Paul, avec un dossier complet, l’historique, la photocopie du registre des ventes manuscrit de cet instrument de prestige ainsi qu’un certificat d’authenticité signé de sa main. André a passé plusieurs mois dans l’usine Gibson de Kalamazoo dans le Michigan où il a repris, classé et organisé toutes les archives à la demande de la marque !
Cette Super S 400, il m’a fait l'immense surprise et l’honneur de venir me la livrer chez moi en août 2014. C’est à ce moment, après plusieurs années d’échanges seulement téléphoniques ou électroniques, que j’ai fait de visu sa connaissance et celle de Suzanne, son épouse.
Quand nous avons enregistré avec mes musiciens l’album "Just in Time", fin 2017, après m’avoir écouté André, m’a surnommé "Kenny" faisant allusion au grand guitariste Kenny Burrell. Ce surnom m’est resté, si bien que je signais "KB" et non JLB. tous les courriels que je lui adressais.
Je suis ému, triste et déjà en manque de lui en écrivant ces quelques lignes afin de lui rendre un dernier hommage pour sa carrière et tout ce qu’il m’a transmis et appris. Mais je suis également heureux et apaisé de me remémorer tous ces beaux souvenirs ainsi que les merveilleux moments partagés avec lui et Suzanne durant leur séjour sur la Côte d’Azur.
En 2018, j’ai pris la décision de tirer ma révérence de la scène publique avec une tournée de concerts. Je l’ai expliqué à André qui me répondit : « Je ne veux surtout pas rater ce moment, je descendrai de Paris pour ton dernier concert ». Le 7 août 2018, à la Colle-sur-Loup dans le cadre du festival So Jazz, il était là, au premier rang. Je l’ai surpris, voire ému, en rendant hommage à son papa René Duchossoir, guitariste de jazz (surnommé “La Godasse” par Django Reinhardt avec qui il jouait fréquemment), en interprétant son thème favori : "Body and soul".
Ne pouvant pas être sur place à Paris pour son enterrement, j’ai convié des amis musiciens le 25 novembre 2020 à l’heure de ses obsèques afin de lui rendre un hommage musical, en interprétant ce thème fameux, "Body and soul" — corps et âme. Le corps d’André est mort. Mais à jamais son âme, j’en suis certain, restera près de moi.

« Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c'est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »

Jean d'Ormesson